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Newsletter 6 Masterclass Grand Oral

« Dans les cordes » au

L’histoire d’une tourmente sentimentale du 21ème siècle

Mardi 17 janvier en fin d’après-midi, Pauline Ribat, autrice et metteuse en scène de la pièce « Dans les cordes » vient à la rencontre de nos élèves de première et terminale, accompagnée de notre fidèle partenaire, Yselle Bazin, chargée des relations publiques du Théâtre 13. Elle commence par expliquer que son œuvre prend racine dans un cliché genré évocateur de son questionnement existentiel du moment : « L’homme qui multiplie les conquêtes est un Dom juan et la femme qui accumule les amants est une (…) ».

Le premier doit faire son apprentissage de la sexualité pour satisfaire pleinement sa femme, la seconde doit préserver sa virginité pour faire de son époux son seul initiateur. Ce cliché est empreint de la domination masculine, et lorsque Pauline Ribat demande aux élèves s’il est toujours d’actualité, plusieurs d’entre « elles » répondent « oui » sans détour. Le combat pour l’égalité des genres n’est pas encore terminé et Pauline a décidé de s’engager dans la cause en mettant ses talents d’artiste à profit. Elle décide alors de conduire une enquête auprès d’une population d’hommes et de femmes âgés de 15 à 75 ans pour éprouver ce cliché. Dans le même temps, la vie sur le net et les sites de rencontre se développent, et Pauline se demande ce que chacun peut bien chercher dans ce monde virtuel (masque, anonymat… ?). L’écriture de sa pièce en résidence (elle a fait plusieurs séjours de 3-4 semaines à « La Chartreuse ») lui prendra deux ans et demi. Ses idées sont couchées sur des post-it qu’elle assemble pour construire son histoire. Dans le même temps, elle imagine les partenaires (acteurs, costumier, scénographe…) qui pourront l’accompagner dans son aventure et seront force de proposition dans la mise en scène et l’interprétation…. Elle évoque le double rôle de la musique dans son projet artistique : elle écrit en musique et l’utilise comme support dans sa pièce. La musique de « Dans les Cordes » est une composition originale. Le spectacle vivant s’appuie donc sur la transversalité des arts. Ces échanges ont non seulement permis aux élèves de mieux comprendre comment se construit une œuvre artistique mais ils ont également été l’occasion d’expliciter certaines notions et métiers méconnus d’eux : programmation, commande, écriture en résidence, scénographie, régie…

Les questions des élèves ont amené Pauline à expliquer que la construction d’une œuvre artistique se conduit comme n’importe quel projet : il faut monter un budget (ex. : 130 000 euros pour sa pièce), trouver des partenaires (ex. : le théâtre de Chambéry qui lui passe sa première commande), demander des subventions (auprès de la DRAC, des municipalités…), travailler en équipe (Pauline s’est entourée de 15 personnes parmi lesquelles des artistes mais aussi des administrateurs, chargés de communication…). Elle insiste sur l’importance de la qualité des relations humaines dans l’équipe, puissant levier de motivation pour conduire un travail exigeant, et l’importance de la confiance qu’elle a su construire avec certains de ses partenaires, raison pour laquelle elle leur reste fidèle. Vous ne serez donc pas surpris, si d’aventure vous assistiez à une nouvelle création de Pauline Ribat, de voir apparaître sur scène l’acteur Florian Choquart.

Puisque l’un des enjeux à court terme du projet « Que la Force de l’Art soit avec Toi ! » est la réussite des élèves au Grand Oral, la rencontre avec Pauline Ribat s’achève avec la question rituelle : « quel est le secret pour réussir un oral ? » Pauline et Yselle répondent d’une seule voix : « c’est la respiration abdominale pour porter une parole puissante, forte, engagée ».

Un peu avant 20h00, nous prenons place dans les gradins du théâtre 13. Le spectacle commence avec l’entrée en scène de 5 comédiens. Ils plongent leurs yeux dans nos regards, sourient béatement puis nous posent des questions sur un souvenir de notre enfance, sur notre rapport au téléphone portable et aux sites de rencontre, sur les raisons pouvant expliquer un malentendu lors d’un échange par sms ou mail… Le public joue le jeu et certains ne manquent ni d’humour, ni de culot, ni de répartie.

Pour prolonger ce moment convivial et plein d’humour, les deux personnages principaux entrent en scène : elle s’appelle Alix, il s’appelle Roman. Autour d’un dîner romantique, ils fêtent l’anniversaire de la jeune trentenaire. Quand Alix ouvre son cadeau, elle découvre un « merveilleux » Thermomix®. Autour de cette table, tous les clichés du couple modèle sont réunis. Les échanges entre les personnages rappellent ceux des sitcoms dont nous avons tous suivis la diffusion à la télévision quand nous étions adolescents. Cette scène édulcorée se termine, sans surprise, comme celle d’un conte de fée : Roman demande Alix en mariage. Elle accepte avec enthousiasme. Le théâtre est plongé dans le noir.

Très vite, tout dérape. Roman s’inscrit sur un site internet « Sex to love ». Sa 2ème vie dans un monde virtuel débridé est mise en scène sans aucun artifice. Ce sont les acteurs en chair et en os qui miment les chats, les émojis, les notifications, crispés comme des robots. Roman se paie Harmony 2.0, un robot « sexuel » toute option. L’impact dans le monde réel est immédiat : Roman n’est plus capable d’aucune intimité avec sa partenaire, la toucher le dégoûte, il la repousse violemment. Alix, seule sur scène, regarde avec amertume sa robe de mariée. Son entourage ne se doute de rien. Elle porte le masque. Abandonnée et lassée, elle finit par se laisser tenter par un site de rencontre « Love in life ». Elle entretient une correspondance qui réveille en elle la jeune fille libre et émancipée qu’elle a été avant que la société ne l’emprisonne dans le carcan des convenances.

Roman et Alix finissent par cohabiter, chacun enfermé dans un monde virtuel déconnecté de celui de l’autre. Ils y découvrent un espace de liberté et d’expression auquel ils prennent goût.

Un jour, alors que plus rien ne va, Alix consulte discrètement le téléphone portable de Roman. Elle découvre sa vie secrète dans « Sex to love ». Folle de rage, elle décide de le traquer dans le monde virtuel. L’affrontement prend la forme d’un combat de boxe. Enfermés dans un ring, Roman et Alix se portent des coups.

Ils brisent la glace, et une pluie de revendications s’abat sur le ring : Roman n’est pas un prince charmant, Alix n’a rien d’une vierge effarouchée. La prise de conscience conduit à la rupture, symbole du deuil que chacun doit faire un jour : les contes de fées n’existent pas. Ce renoncement est indispensable pour s’épanouir dans une relation « vraie », authentique, sincère, où chacun voit l’autre tel qu’il est et l’accepte tel qu’il est, avec ses forces et ses faiblesses, ses contradictions et incohérences, etc. À la fin de la pièce, la psychothérapie d’Alix est suggérée par la mise en scène d’une émission de radio intimiste. Alix affronte et renoue avec le passé, elle apprend à assumer ses désirs et à poser les limites, à s’émanciper du mariage pour apprendre à vivre seule, pour elle-même. L’apprentissage du célibat et l’exploration du monde de l’amour et du désir ne sont-elles pas des étapes nécessaires pour s’épanouir pleinement dans son couple, pour mieux identifier ce que l’on veut et ce que l’on ne veut pas, pour que l’autre ne soit jamais plus ni une béquille, ni une projection de ses fantasmes ?

« J’ai beaucoup aimé la pièce. Les thèmes abordés sont modernes, traités avec humour et justesse. Je retiens plusieurs messages de la pièce : le mythe du prince charmant est un piège à éviter ; le couple de nos parents n’est pas nécessairement un modèle à suivre ; déconstruire les stéréotypes culturels et l’éducation est un processus qui prend du temps. Bravo pour le morceau de bravoure d’Harmony, merveilleuse chanteuse ! Le personnage incarnant les applications « Sex to love » et « Love in life » est tout simplement GÉNIAL ! Son jeu « all over the top » et ses danses sur ses talons hauts ont vraiment ambiancé la pièce. » 

Élève de terminale STL, Biochimie-Biologie-Biotechnologies